vendredi 14 décembre 2012

Ici et maintenant

Ils demandent l'impossible : un travail bien payé, une maison enfin à eux, une vie paisible, la famille réunie, les amis pas loin. Le combat est perdu d'avance.

Quand bien même obtiendraient-ils tout ceci, la partie nous paraîtrait-elle gagnée pour autant ? Pourrions-nous nous satisfaire de félicitée aussi élémentaire, de la satisfaction d'une quête aussi peu extraordinaire ? Et pourrions nous soutenir que victoire il y a en prenant la mesure de telle goutte d'eau perdue dans la mer des révoltes sourdes, des misères démultipliées, des autres vies cassées, oubliées, délaissées ? Le combat est parfaitement vain.

Il n'y aurait que de l'insoutenable si nous ne prenions pas la mesure du quotidien partagé, de l'immense victoire que représente de vivre, ici et maintenant, cette expérience commune de construire sur la crête, entre deux impossibles, entre le tout est perdu et le rien ne sera jamais assez grand.

Nous avons vécu une journée ensemble, et connu : la pluie sur la Nationale 7, la pause au PMU à 200 mètres, le pas enfin rassuré sur les copeaux de bois déjà déposés la veille, le café serré chez Violetta, la tristesse de Serge et Yvette contant ce qui a eu lieu ces derniers jours à Villebon, les nouveaux sacs de copeaux de bois déversés dans l'allégresse, la toux et la fièvre du petit Thimothée qu'on a conduit avec ses parents aux urgence, les sandwichs avalés par Chloé, Joana, Ruben et Maxime, dans les 6m2 qu'il y a quelques mois déjà les Roms nous ont construits, les arrivages de matériels achetés dans quelques grands magasins riverains, les derniers repérages pour l'installation de l'Ambassade, les séances de découpe de bois et de tassots en vue de l'édification des premières toilettes sèches, les gâteaux sucrés de Milena pour le desserts de Célia et Maela, le café encore, délicieux au demeurant, le visage toujours ensoleillé du petit Dany, la merde, les déchets et les rats, un riverain anonyme qui en lisière du bidonville dépose un sac rempli de pains et de viennoiseries, Adéla qui enrage de ne pas nous voir venir boire un café chez elle, le groupe électrogène qui peine lorsque la scie sauteuse s'excite, la brume du soir qui enveloppe le bidonville et l'éloigne un peu plus de la ville, les discussions avec la famille de Sorin au sujet de la peur du voisin proche ou lointain, les dessins des filles de Dragomir sagement retranchées dans la baraque pendant que leur père prête main forte sur le chantier et que leur mère revient d'une journée de manche dans le métro, le départ à un moment donné, juste avant d'oublier qu'il faut à un moment partir.













NB : Rendez-vous demain à partir de 10h et toute la journée pour boire du café, mais aussi évacuer les déchets et construire les toilettes sèches.


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