jeudi 20 décembre 2012

Nouveau départ

Faire ensemble est sans doute le fondement même de toute communauté de vie et d'appartenance, de tout ce qui fait d'une ville une ville. En ce moment même, grâce à la mobilisation d'une quarantaine d'amis du PEROU, de la centaine de membres de l'ASEFRR, mais aussi de quelques dizaines de riverains de Ris-Orangis, nous faisons pencher le bidonville du côté de la ville. En ce moment même, en prenant soin des espaces, nous donnons à cet établissement de fortune le visage d'un lieu de vie, certes pas idéal, mais manifeste et fort de promesses d'avenir. En ce moment même, mus par l'enthousiasme des gosses avant tout, nous construisons le chemin qui, demain, débouchera sur la ville pour ces familles condamnées jusque là à en peupler les franges. En ce moment même, nous rêvons d'ailleurs en cultivant l'ici.

Le PEROU ne revendique évidemment pas le droit de prendre possession de ce lopin de terre au nez et à la barbe de son propriétaire, le Conseil Général en l'occurrence. Le PEROU revendique bruyamment par contre le droit de quitter ce terrain dans de bonnes conditions, et de rompre avec la logique de l'urgence condamnant les familles à trouver un bien nommé "point de chute" quelques centaines de mètres plus loin. Expulser c'est, nous dit-on, répondre à l'exaspération du voisin et à son désir de voir disparaître le bidonville de sous ses fenêtres. Expulser c'est, on ne le dit pas à ce voisin, faire bien au contraire s'enraciner le bidonville et s'accroître la misère qui ne sera déplacée que de quelques centaines de mètres, et qui reviendra fatalement demain suite à une enième expulsion exigée par le voisin d'en face. Que chacun de ces deux voisins en prenne la mesure : un arrêté municipal ordonnant l'expulsion donne 48h à une famille pour s'inventer un lendemain, c'est à dire pour ramasser quelques affaires, trouver un autre terrain, trouver de nouveaux matériaux nécessaire à la construction d'une seconde baraque (pendant les 48h on ne peut défaire celle où continuent de vivre ses gosses), et la construire enfin. Que chacun de ces deux voisins en prenne la mesure : l'expulsion déplace fatalement le problème de quelques mètres à peine, et ne répond en rien à leur légitime exaspération. Le PEROU veut offrir enfin le temps aux familles de préparer le départ pour que celui-ci s'avère un nouveau départ, à distance de là, à distance de cette situation que personne ne désire voire s'éterniser.

Ici, à Ris-Orangis, nous préparons un départ que nous programmons pour le 5 juillet 2014, date de la fin de l'année scolaire 2013-2014, et date à laquelle les Roumains comme les Bulgares seront enfin statutairement des européens de plein droit. Pendant un an et demi, le PEROU veut offrir les conditions d'un véritable travail social, durable, rationnel, émancipé de l'urgence, inscrit dans un temps constructif. Pendant un an et demi, par l'entremise de son Ambassade, le PEROU veut inviter des acteurs sociaux dans des conditions leur permettant de travailler sereinement, réellement, efficacement. Pendant un an et demi, à travers les liens qu'il aura consolidés avec le voisinage, avec les associations locales, le PEROU veut tricoter des solidarités, cultiver les liens élémentaires qui font la qualité d'une collectivité.

Ce travail là, ce "faire ensemble" qui est l'autre nom de "la politique", nécessite le concours de tous les acteurs publics concernés par la situation. Rien ne doit s'opposer à ce que tous ces acteurs s'engagent dans la même direction, celle indiquant le chemin d'une sortie réelle du bidonville, et d'une disparition de celui-ci dans un an et demi. Rien ne doit donc s'opposer à ce que les enfants soient enfin scolarisés à Ris-Orangis, et tout l'ordonne, le droit national en tout premier lieu. Rien ne doit donc s'opposer à ce que le ramassage des ordures soit enfin organisé par la collectivité, et sans parler de droit, c'est l'humanité la plus élémentaire qui l'ordonne puisque au milieu des rats qu'attirent les immondices vit entre autres gosses Alex, âgé de 7 jours à peine. Rien ne doit donc s'opposer à ce que l'on mette à disposition de ces familles un point d'eau, et tout l'ordonne, le droit international notamment. Refuser l'école, le ramassage des ordures et le point d'eau c'est condamner les populations à la vie de misère qu'elles connaissent aujourd'hui, et condamner les voisins à cohabiter avec cette situation et à subir la violence qu'elle entraîne. C'est, en tous points, le strict opposé de ce que veut dire "faire de la politique".

Pendant un an et demi, on améliore la vie. Dessin : Célia David-Mauduit



Le 5 juillet 2014. Dessin : Célia David-Mauduit

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